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La convivialité, un concept politiquement correct ?

Voilà une question sur laquelle il est intéressant de se pencher !

Dans son étymologie, ce mot est dérivé du latin convivium, repas en commun. Nous voilà donc directement en lien avec notre sujet de prédilection : l'alimentation.

Pourquoi parle-t-on autant de convivialité aujourd'hui ?

Apparu en 1825, la convivialité désigne « le processus par lequel on développe et on assume son rôle de convive » (1). Outre le partage du repas, est valorisé l'échange et le plaisir d'être ensemble.

Cette situation sociale ne va-t-elle pas de soi ? Et si ce mot était moins anodin qu'il n'y paraît ?

Une piste pour aller plus loin est à chercher du côté d’Ivan Illich pour qui « une société conviviale est une société qui donne à l'homme la possibilité d'exercer l'action la plus autonome et la plus créative, à l'aide d'outils moins contrôlables par autrui. La productivité se conjugue en terme d'avoir, la convivialité en termes d'être ». (2)

Voilà une façon de prendre la mesure de la convivialité ; et si celle-ci était au service d'un processus social salutaire face aux déséquilibres créés par le modèle économique industriel et ses conditionnements ? En effet, le système alimentaire s'est calqué sur ce modèle industriel, ce qui a induit des changements de comportements, et a aggravé les inégalités d'accès à une alimentation saine. Pour être plus concret, lorsqu'une personne décide de cuisiner au lieu d'acheter des plats préparés, elle se réapproprie la part économique de « bout de chaîne » et ne la laisse plus à l'économie globale régie par une logique d'actionnariat. Si on pousse le curseur, si ce qui est cuisiné vient de son jardin ou d'un agriculteur local, cette personne pourra se nourrir avec une plus grande autonomie. Cuisiner, jardiner, acheter localement sont autant d'occasion de convivialité, comme le témoigne l'attrait pour les ateliers cuisine, les jardins partagés, et les circuits-courts, en particulier les AMAP, avec leur dimension associative et solidaire.

Il existe de multiples façons de se réapproprier les conditions de subsistance alimentaire, et elles dépendent, bien sûr, du contexte dans lequel elles s'inscrivent. Lorsqu'à Détroit, les communautés afro-américaines s'organisent pour leur auto-alimentation grâce à des jardins productifs, l'enjeu est de se nourrir puisque le déclin industriel a précipité des populations dans une situation de survie. C’est aussi pour ces communautés la possibilité de reconquérir un pouvoir après avoir subi des oppressions liées à leur contexte historique. Ceci a pu être présenté par les protagonistes et partagé dans un récent colloque organisé par PADES (3).

Photo : ETS

Cette approche conviviale a été très bien comprise par le marketing et utilisée comme levier pour inciter à la consommation de produits alimentaires : le partage est particulièrement mis en scène, autour d'un aliment source de plaisir. Il s'agit de toucher la corde sensible d'une cible justement en manque de cette convivialité, des valeurs de l'être, tout en proposant une réponse qui fait marcher un système de consommation carburant aux valeurs de l'avoir. C'est un bel exemple de manipulation en douceur.

De manière générale, on peut considérer que l'alimentation peut être un levier pour une reconquête du pouvoir, de l'estime de soi, du plaisir, et de partage possible autour du fait de se nourrir. C'est un acte quotidien que chacun peut revisiter, dans un contexte qui est le sien, fonction de ses enjeux spécifiques, comme ce qu'il représente pour sa santé et dans sa relation à l’autre. Ceci est toutefois possible si les rapports de force en jeu le permettent ou si la personne arrive à dépasser ceux-ci. En effet, alors que le droit à l'alimentation est reconnu depuis 1996 (4), la malnutrition et la faim demeurent pour une partie de la population.

Peut-être pensez-vous que ces deux situations sont distantes les unes des autres : celle où il est possible de décider, choisir notre alimentation, et celle où on est en situation de survie. Pourtant cette problématique est aussi présente dans notre monde occidental. Preuve en est le programme de solidarité Uniterres (5) qui organise des tables de producteurs ou la Compagnie des gourmands. Ceci permet à la fois une solidarité alimentaire et un lien social : la convivialité est donc au cœur du sujet.

A vos tabliers, donc et si vous manquez d'inspiration, vous pourrez piocher des idées dans nos recettes ou auprès de vos proches !

 

(1) Jean Anthelme Brillat-Savarin, 1825, Physiologie du goût

(2) Ivan Illich , La convivialité ,1973, Paris, Seuil

(3) Colloque franco-américain organisé par PADES (Programme d’Autoproduction et Développement Social) http://padesautoproduction.net/

(4) Jean Ziegler, 2011, Destruction Massive, géopolitique de la faim Paris, Seuil,

« Le droit humain à l’alimentation, tel qu’il découle de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels , adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966, se définit comme suit :« Le droit à l’alimentation est le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture qualitativement et quantitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions cultuelles du peuple dont est issu le consommateur et qui assure une vie psychique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne ». » (Jean Ziegler, 2011, p23)

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